Fourier, Tyndall, Arrhenius et les autres..

L’« effet de serre » a t-il été bien établi par les savants du XIXème siècle?

Par Pierre Beslu

Pierre Beslu a fait des études de physique à l’Université de Marseille. Il a fait sa carrière au commissariat à l’énergie atomique d’abord à Fontenay aux Roses  puis à Saclay et enfin à Cadarache. Pour ses travaux sur la contamination des circuits, il a reçu en 1990 le prix de la Société Française d’Energie Nucléaire. Il est l’auteur d’un livre « Corrosion des circuits primaires dans les réacteurs à eau sous pression » chez EDP sciences.


Résumé

L’objet de ce papier est de montrer que les travaux de ces auteurs dont les plus illustres sont Fourier (1768-1830), Pouillet (1790-1868), Tyndall (1820-1893) et le prix Nobel Arrhenius (1859-1927), sont notoirement insuffisants à fonder le phénomène de l’effet de serre. On ne saurait bien évidemment leur en tenir rigueur, car il faut replacer leurs travaux dans l’état des connaissances de l’époque.

Le réchauffement global de la terre serait dû à ce qui est communément appelé « effet de serre » (EDS). Ce mécanisme serait, selon le GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) et de nombreux auteurs, bien établi depuis le XIXème Siècle par des scientifiques prestigieux comme Fourier, Tyndall et Arrhenius et il n’y aurait pas lieu d’y revenir. Il existe déjà des textes remettant en cause cette vision des choses comme ceux de G. Gerlichet, D. Tscheuschner, de Vincent Gray et de Timothy Casey. Mais ces textes sont en anglais et il est dommage de découvrir les citations des auteurs français mis en cause comme Fourier ou Pouillet au travers de traductions (Cf. le proverbe italien « Traduttore, traditore [1] »). Ce texte reprend donc l’analyse de ce qu’ont écrit ces auteurs dans leur langue maternelle et montrent que pour eux, la terre est chauffée principalement par l’absorption du rayonnement solaire et ne font pas appel pour expliquer la température de la planète à un mécanisme proche de l’EDS impliquant une rétro-émission de rayons Infra rouge (IR) vers la terre.  Certes, Arrhénius est le premier à avoir défini l’effet de serre tel que le présente le GIEC et à avoir mis en cause le rôle de la concentration en gaz carbonique atmosphérique mais en se basant sur des observations et des mesures qui concernaient la vapeur d’eau ; de plus il considérait que les mouvements d’airs chauffés au contact du sol et les courants atmosphériques et océaniques devaient aussi jouer un rôle important sur le climat. L’affirmation sur le fondement ancien (en 1824) et définitif de l’effet de serre est donc erronée et même en 1896, cette affirmation reste très discutable et l’existence de l’effet de serre n’est absolument pas physiquement démontrée.


Aujourd’hui, la plupart des exposés sur l’effet de Serre (EDS) commence par affirmer que ce phénomène physique est bien établi depuis les travaux des scientifiques du XIXème siècle et qu’il n’y a plus lieu d’y revenir pas plus que sur le théorème de Pythagore ou la loi d’Ohm ! Chaque auteur répète ce qu’a dit le précédent sans vraiment en vérifier l’authenticité [2] ou le bien-fondé mais donnant, par la répétition ainsi à chaque fois plus de poids à ces affirmations.

Il faut rappeler que ces scientifiques considéraient que l’espace vide était composé d’un fluide invisible (un gaz), « l’éther » qui seul pour eux devait permette la propagation des ondes lumineuses. En effet, on ne pouvait pas alors concevoir, le déplacement des ondes sans un support matériel [3].

Les «émissionistes » de cette époque pensaient aussi qu’il existait des rayons frigorifiques ainsi que des rayons calorifiques formés de particules invisibles émises par les sources froides et chaudes.Benjamin Thomson ,Comte de Rumford (1753-1814) concluait même que les rayons calorifiques étaient des forces exactement égales aux rayons frigorifiques.Pierre Prevost (1751-1839) affirmait que le « feu » (la chaleur) était un fluide séparé, qu’il croyait constitué de particules.Prenant cela pour certain, il aboutit à la conclusion qu’un équilibre entre deux corps résulte de l‘échange égal et simultané de ces « particules de feu » entre elles.  Ce processus conduit à une formulation de propagation de la chaleur « bi-directionelle » : chaque surface émettant de la chaleur selon sa propre température et absorbant la chaleur émise par l’autre surface selon sa température. Cette hypothèse de Prévost émise en 1791, est probablement une de celles qui sont à la base de l’idée de rétro-émissions des IR (backradiation and downwelling) qui est une des pièces maîtresses sur laquelle est fondée l’EDS.

La science de l’EDS serait donc bien établie puisque ce savant suisse aurait introduit cette notion (à partir des croyances erronées de l’époque), il y a plus de 200 ans. Or elle viole la deuxième loi de la thermodynamique et son inadéquation démontrée déjà par Fourier est discutée ci-dessous.

Fourier (1768 – 1830)

Jean Baptiste Joseph Fourier, auteur de plusieurs et importantes innovations mathématiques et du livre écrit en 1822, Théorie Analytique de chaleur [1] dans lequel il met en équation le transfert de chaleur,est quant à lui très dubitatif sur la nature de la chaleur : « On ignore entièrement aujourd’hui la nature de cette force intérieure dont résulte l’émission de la chaleur, et la cause qui produit les réflexions à la surface. Parmi les physiciens qui ont traité de la chaleur, les uns la considèrent comme une matière propre qui traverse les milieux élastiques et les espaces vides, d’autres font consister sa propagation dans les vibrations d’un fluide extrêmement subtil.»[2].

Cette prudence n’a pas empêché Arrhénius, en 1896 de déclarer [3] que Fourier considérait que l’atmosphère agissait comme une vitre, justifiant ainsi le fameux modèle de l’EDS : « Fourier maintained that the atmosphere acts like a glass of a hot house,because it lets through the light rays of the sun but retains the dark rays from the ground [4]»

Arrhénius a donc été le premier à intégrer indûment dans ses rangs un de ses prédécesseurs. Ila été suivi ensuite par de nombreux autres auteurs et par le GIEC lui-même dans son rapport AR4 en 2007).

Or jamais, Fourier n’a considéré que l’atmosphère agit comme la vitre d’une serre vis-à-vis des infra-rouges tel que cela est affirmé pour l’EDS. Dans son interprétation de l’expérience de son ami Saussure, il écrit : « La théorie de cet instrument est facile à concevoir. Il suffit de remarquer que la chaleur acquise se concentre, par ce qu’elle n’est point dissipée immédiatement par le renouvellement de l’air» Et il ajoute : « que la chaleur émanée du soleil a des propriétés différentes de celles de la chaleur obscure[..] Les rayons de cet astre se transmettent en assez grande partie au-delà des verres dans toutes les capacités et jusqu’au fond de la boîte. Ils échauffent l’air et les parois qui le contiennent alors leur chaleur ainsi communiquée cesse d’être lumineuse; elle ne conserve que les propriétés communes de la chaleur rayonnante obscure. Dans cet état, elle ne peut traverser librement les pans de verre qui couvrent le vase; elle s’accumule de plus en plus dans une capacité enveloppée d’une matière très-peu conductrice, et la température s’élève jusqu’à ce que la chaleur affluente soit exactement compensée par celle qui se dissipe. ».C’est donc la barrière solide qui empêche le renouvellement de l’air et c’est donc la convection qui est responsable dans le cas de la boîte de Saussure (ou de la serre) de l’augmentation de la température. Toujours d’après Fourier, il faudrait que l’air devienne solide (sans perdre ses propriétés optiques) pour que la chaleur se concentre près du sol ; « Si toutes les couches d’air dont l’atmosphère est formée conservaient leur densité avec leur transparence, et perdaient seulement la mobilité qui leur est propre, cette masse d’air ainsi devenue solide, étant exposée aux rayons du soleil, produirait un effet du même genre que celui que l’on vient de décrire. La chaleur, arrivant à l’état de lumière jusqu’à la terre solide perdrait tout-à-coup et presque entièrement la faculté qu’elle avait de traverser les solides diaphanes; elle s’accumulerait dans les couches inférieures de l’atmosphère, qui acquerraient ainsi des températures élevées. »

La seule fois où il parle du rôle de l’atmosphère sur la température du globe, il évoque en fait la réflexion de la lumière solaire c’est à dire l’albédo de la terre et dit que l’atmosphère contribue certainement à cet albédo sans pouvoir toutefois l’évaluer compte tenu des connaissances du moment :« La chaleur du soleil arrivant à 1’état de lumière, possède la propriété de pénétrer les substances solides ou liquides diaphanes, et la perd presque entièrement lorsqu’elle s’est convertie, par sa communication aux corps terrestres en chaleur rayonnante obscure.[..] La masse des eaux qui couvrent une grande partie du globe, et les glaces polaires, opposent moins d’obstacles à la chaleur lumineuse affluente (qu’à la chaleur obscure), qui retourne en sens contraire dans l’espace extérieur. La présence de l’atmosphère produit un effet du même genre, mais qui dans l’état actuel de la théorie et à raison du manque d’observations comparées, ne peut encore être exactement défini. »

Bien que Fourier privilégie le non renouvellement de l’air et donc la barrière thermique apportée par le verre dans l’expérience de Saussure, « la chaleur obscure rayonnante »[5] pourrait être assimilée (et elle l’est par certains auteurs) au rayonnement infrarouge: Certes Fourier était au courant des travaux de l’astronome Friedrich Herschel qui étudia le spectre solaire et découvrit l’existence du rayonnement infrarouge dans le spectre solaire mais ce ne fut qu’avec Macedonio Melloni et ses études sur la chaleur rayonnante qu’il débute en 1831, qu’il fût démontré que celle-ci  a les mêmes propriétés que la lumière et qu’une plaque de verre arrête tous les rayonnements émis par de l’eau bouillante. Il est clair que Fourier (décédé) ne pouvait être au courant des travaux de Melloni. Ceux qui prétendent que Fourier parle dans ses écrits du rayonnement infrarouge se trompent donc.

De plus,dans son « mémoire sur les Températures du Globe terrestre et des espaces planétaires », Fourier ne cite que trois sources de chaleur :

« La chaleur du globe terrestre dérive de trois Sources qu’il est d’abord nécessaire de distinguer.

1° La terre est échauffée par les rayons solaires, dont l’inégale distribution produit la diversité des climats.

2° Elle participe à la température commune des espaces planétaires étant exposée à l’irradiation des astres innombrables qui environnent de toutes parts le système solaire.

3° La terre a conservé dans l’intérieur de sa masse une partie de la chaleur primitive, qu’elle contenait lorsque les planètes ont été formées. »

Il convient que la troisième source, « la chaleur primitive du globe ne cause plus d’effet sensible à la surface. » Pour lui comme pour nous, l’éclairement du soleil seul ne suffit pas à expliquer la température à la surface de notre planète et il a donc recours à l’espace planétaire auquel il attribue une température (voisine des températures polaires) ce qui lui paraît très vraisemblable puisqu’il croit à l’existence de l’éther, un fluide qui doit bien avoir une température propre. En aucun cas, il ne fait intervenir une rétro-émission d’ondes, de particules ou de chaleur obscure rayonnante de l’atmosphère vers la terre pour expliquer la température de celle-ci. Il ajoute même dans [4] : « On découvrira peut-être d’autres propriétés de la chaleur rayonnante, ou des causes qui modifient les températures du globe. Mais toutes les lois principales du mouvement de la chaleur sont connues; cette théorie, qui repose sur des fondements invariables, forme une nouvelle branche des sciences mathématiques: elle se compose aujourd’hui des équations différentielles du mouvement de la chaleur dans les solides et dans les liquides, des intégrales de ces premières équations, et des théorèmes relatifs à l’équilibre de la chaleur rayonnante. »

Pour lui donc il n’y a pas de différence entre chaleur radiative et cinétique et seule sa loi peut décrire le transfert de chaleur entre deux corps en contact thermique. En conséquence la distribution de la chaleur entre l’atmosphère et la surface de la terre (qui sont en contact thermique) ne peut être calculée à ce niveau à partir des équations de transfert radiatif, ce qui ne laisse aucune place à l’EDS.

Et quand on les examine avec attention, on s’aperçoit que les lois de Fourier sont en totale contradiction avec les résultats du modèle classique d’EDS. Il ne peut donc en aucun cas être considéré comme un précurseur de l’EDS.

Claude Pouillet (1790-1868)

Dans son « Mémoire sur la chaleur solaire: sur les pouvoirs rayonnants et absorbants de l’air » de juillet 1838 [7], Pouillet étudie, en particulier,« les conditions générales d’équilibre d’un corps protégé par une enveloppe diathermane [6] analogue à l’atmosphère. » et « le rapport des quantités de chaleur que la terre reçoit de la part du soleil, de l’espace ou de tous les autres corps célestes. » Rien dans son introduction, donc, au sujet d’un éventuel effet de serre. Certes, il écrit plus loin : « l’enveloppe (c’est-à-dire l’atmosphère) émet une quantité de chaleur e’’s’’ vers le globe et une quantité de chaleur égale e’’s’’ vers l’enceinte (vers l’espace ) [ ..] Il en résulte que si l’enveloppe diathermane absorbe seulement les 3/10 de la chaleur de l’enceinte (comme elle le fait pour le soleil) et les 9/10 de celle du globe, la température du globe surpasse alors de 59.5°C celle de l’enveloppe. ». Cela ressemble fort, en effet, à ce qui est dit qualitativement pour l’effet de serre par le GIEC.

Il faut cependant remarquer que rien n’indique que ce flux de chaleur e’s’’vers le globe corresponde, dans l’esprit de l’auteur (même s’il cite ailleurs les travaux de Melloni) à une émission d’IR capable de chauffer sa propre source soit la surface du globe.Ce qui est mis, en avant par Pouillet est essentiellement le pouvoir absorbant de l’air et son inégalité vis à vis des rayonnements calorifiques ; et cette absorption inégale par l’atmosphère des énergies émises par les diverses sources n’est utilisée par Pouillet que pour justifier que l’atmosphère n’est pas isotherme et qu’il existe un gradient de température vertical au sein de celle-ci : « Quand le pouvoir émissif de l’enveloppe (l’atmosphère) n’est plus égal à son pouvoir absorbant, le principe de l’égalité des températures cesse d’être vrai, et aussitôt, il se manifeste alors contrairement aux lois ordinaires de l’équilibre  des différences plus ou moins considérables entre les températures de l’enceinte, du globe et de l’enveloppe. [..] la véritable cause (du décroissement de température) dans l’atmosphère est dans les actions absorbantes inégales que l’atmosphère exerce sur les rayons de chaleur venant de l’espace et sur ceux qui sont émis tout autour du globe par la surface du sol ou par celle des mers. » Rien donc sur le réchauffement de la surface par une rétro-émission de rayonnement (backradiation), caractéristique de l’effet de serre quelle qu’en soit la définition précise adoptée. Cette interprétation est confirmée lorsque Pouillet,

  • considère que : « si le soleil ne faisait pas sentir son action sur notre globe, la température de la surface du sol serait partout uniforme et de – 89°. Or puisque la température moyenne de l’équateur est de 27.5°, il faut en conclure que la présence du soleil augmente les températures de la zone équatoriale de 116.5°.
  • évalue la quantité totale de chaleur reçue par la terre en une année représentée par la quantité de glace qu’elle peut fondre et trouve que celle-ci reçoit une quantité de chaleur représentée par une couche de glace de 54 m dont 31 m seraient dus au soleil et 26 m à l’espace.

Discutant ensuite l’écart des résultats donnés par les deux méthodologies, jamais il ne fait référence à un « (r)envoi » vers la surface du Globe de rayons calorifiques par la troposphère[7] ni à un éventuel effet couverture de celle-ci! Par exemple, dans le premier cas, l’augmentation de température de 116.5° est attribué au seul chauffage solaire alors qu’il aurait facilement pu là considérer qu’une part de cette augmentation était due à la quantité de chaleur e’’s’’  émise vers le globe.

C’est encore plus clair dans la deuxième approche, le soleil seul étant insuffisant pour expliquer, la quantité absorbée au niveau du sol. Pouillet, attribue comme Fourier, l’énergie manquante à l’espace [8] (éther). Il ne peut donc être considéré comme un des initiateurs de l’EDS.

Remarquons également que Pouillet précise que « quel que soit, le rapport des intensités de ces deux causes (l’atmosphère et l’espace), il est évident qu’on peut concevoir une cause unique capable de produire un effet égal à celui qui résulte de leur action simultanée. » Autrement dit, atmosphère et espace sont mis sur le même pied ; or la basse température de l’espace déterminée par ses propres calculs n’empêche pas Pouillet de considérer que celui-ci chauffe la planète mais il reconnaît que cela est surprenant : « On sera étonné, sans doute, que l’espace , avec sa température de -142° au-dessous de 0, puisse donner à la terre une quantité de chaleur si considérable qu’elle se trouve presque égale à la chaleur moyenne que nous recevons du soleil ; ces résultats paraissent au premier abord, tellement contraire à l’opinion que l’on se fait soit du froid de l’espace soit de la puissance du soleil, que l’on sera peut être disposé a les regardé comme inadmissibles. »La différence d’angle solide du soleil et de l’espace lui permet de tempérer l’idée qu’on se fait de l’influence de la puissance solaire mais il ne dit rien au sujet du froid de l’espace et du fait que la chaleur puisse aller du froid vers le chaud ce qui est, sans ambiguïté, en complète contradiction avec la deuxième loi de la thermodynamique principe énoncé par Carnot en 1824. Et comme précédemment il a assimilé espace et atmosphère sur le plan phénoménologique et puisqu’il considère que la température moyenne de l’atmosphère est nécessairement inférieure à la température de la terre, cette objection s’applique aussi à l’atmosphère.

John Tyndall (1820-1893)

Tyndall connaissait les expériences de Melloni et s’en est inspiré pour ses propres expériences.En 1861, il écrivit un papier [5] sur l’absorption et l’émission de chaleur par les gaz et montra à partir de ses expériences que la vapeur d’eau est le gaz le plus efficace vis-à-vis des phénomènes observés : « Experiments made with dry and humid air corroborated the inference that, as water transcends all other liquids. so aqueous vapour is powerful above all other vapours as a radiator and absorber [9]».

Et il croyait que la lumière solaire était principalement absorbée par la vapeur d’eau contenue dans l’atmosphère:

« It is exceedingly probable that the absorption of the solar rays by the atmosphere, as established by M. Pouillet, is mainly due to the watery vapour contained in the air ».[10]

John Tyndall adhérait aussi à la vision de Fourier que la terre entourée par l’éther de l’espace possédant la température calculée par Pouillet, était chauffée par l’absorption des rayons du soleil par l’atmosphère.Cette croyance a conduit Tyndall à croire en une relation linéaire entre absorption et concentration et il n’en est pas moins le premier à souligner que les « gaz traces » (habituellement désignés sous le vocable de gaz à effet de serre ou GES) sont capables d’influencer le climat. Il a étudié le gaz carbonique et quelques autres mais pour lui la vapeur d’eau est, de loin, le plus important de ces gaz :

« Now if, as the above experiments indicate, the chief influence be exercised by the aqueous vapour, every variation of this constituent must produce a change of climate ».

Et comme la vapeur d’eau a une action moins brutale (destructive) sur la lumière solaire que sur le rayonnement obscur, il en conclut que l’effet sur le climat résultant d’une variation de la teneur vapeur d’eau de l’atmosphère sera plus sensible au travers du rayonnement solaire que vis-à-vis de la chaleur envoyée de la terre vers l’espace. En ce sens, il ne peut être considéré comme à l’origine du concept d’effet de serre tel qu’il nous a été présenté par le GIEC.

Svante August Arrhenius (1859 – 1927)

Arrhenius qui est le premier à avoir vraiment proposé que les variations de concentration en gaz carbonique atmosphérique pouvaient influer sur la composante à long terme du climat,a publié plusieurs articles sur l’effet du COde l’atmosphère dont un en anglais en 1896 [3]. Il a utilisé les observations de la lune faites par les astronomes Samuel Langley et Frank Very pour calculer l’absorption du rayonnement infra-rouge par l’atmosphère donc par le CO2 atmosphérique et la vapeur d’eau. Utilisant alors la loi de Stefan Boltzmann et proposant le chauffage de la terre grâce à cette absorption des IR, il a formulé sa loi de l’effet de serre :

« Si la quantité de gaz carbonique croit selon une progression géométrique, l’augmentation de température croîtra pratiquement selon une progression arithmétique.»

Cela constitue, déjà,un grand progrès par rapport à la linéarité proposée par Tyndall.

Mais la retro émission par l’atmosphère de la chaleur IR absorbée qui contribue à augmenter la température de surface terrestre est l’idée clef de la proposition d’Arrhenius. Cette théorie est souvent considérée comme proche de la notion de rayonnement de l’atmosphère émise vers la surface du globe proposée, comme nous l’avons vu, par Pouillet [7]. Cependant et c’est aussi l’avis de Casey [6], Pouillet ne l’utilise que pour expliquer la variation de température avec l’altitude alors qu’Arrhenius traite cette émission (back radiation) comme un ajout au flux net de chaleur à la surface du globe créant ainsi de toutes pièces de l’énergie ! On peut, tout au plus, imaginer que l’article de Pouillet a mis Arrhenius sur la voie de sa théorie.

Par ailleurs, il semble avoir oublié que Tyndall avait trouvé que la vapeur d’eau avait un pouvoir d’absorption beaucoup plus important que tous les autres gaz : la concentration de CO2 dans l’atmosphère terrestre est (en 2016) voisine de 0.04 %. Les calculs d’Arrhenius ne s’appliquent donc pas exclusivement au CO2 comme il le propose mais en priorité à la vapeur d’eau dans une proportion de 97.8 %.Il doit être ajouté qu’Arrhénius considère comme importants les courants d’air ascendants chauffés au contact du sol et le rôle des courants océaniques et atmosphériques :

« The atmosphere must, therefore, radiate as much heat to space as it gains, partly from absorption of the sun’s rays, partly through the radiation from the hotter surface of the earth and by means of the ascending currentsof air heated by contact with the ground.On the other hand the earth loses just as much heat by radiation into space and to the atmosphere as it gains by absorption of the sun’s rays. If we consider a given place in the atmosphere or on the ground, we must also take into consideration the quantities of heat that are carried to this place by means of oceanic or atmospheric currents [11 ]».

Enfin G.Gerlich et R.Tscheuschner [8] ainsi que J.L.Dufresne [9], ce dernier appartenant à l’Institut Simon Laplace ne peut être soupçonné de parti pris en faveur du climato-scepticisme,ont repris en détail les calculs de Svante Arrhenius. Ils montrent sans ambiguïté que ces calculs sont fantaisistes et même faux. Pour Arrhenius, en effet, la teneur en gaz carbonique de l’atmosphère augmente la température de 14,6 °C et « sa disparition entraînerait une baisse de température équivalente à 3 fois celle qui a été responsable des glaciations du passé ». Quant à sa détermination de l’effet du doublement de la concentration de CO2, son modèle d’effet de serre à une couche aurait dû donner une réponse quasi-nulle (au lieu des 5°C annoncés qui proviennent d’une compensation d’erreurs) et sa démarche ne peut pas être directement utilisée pour concevoir un modèle théorique pertinent [9].

Conclusion

Ce qui précède montre que de nombreux scientifiques se sont effectivement intéressés à la température de la terre dès la fin du XVIIIème siècle. Cependant si certaines expériences et observations ont contribué à faire évoluer les connaissances, les explications, pistes ou idées émises pour expliquer les phénomènes ne fondent pas le mécanisme dit d’effet de serre.

Fourier, Pouillet etTyndall croyaient que la terre était chauffée par l’absorption des rayons du soleil par l’atmosphère. Tyndall considérait que cela était causé par la vapeur d’eau. Quant à Fourier, ses lois mêmes sont en opposition totale avec le mécanisme lié à l’EDS.

Arrhenius est donc le premier à avoir affirmé que l’absorption des rayonnements telluriques par les gaz traces contribuait au réchauffement de la planète mais il en a attribué l’effet au CO2 alors que c’était principalement celui de la vapeur d’eau qui était mesuré. Sa théorie du CO2 comme agent majeur du réchauffement climatique au travers de l’absorption et de la ré-émission vers la surface de la chaleur n’est donc pas très crédible. Néanmoins si on passe sur cette confusion et l’extrême simplification de son modèle, Arrhénius peut être considéré comme à l’origine du concept d’EDS, mais on ne doit pas oublier qu’il ne s’agissait pour lui que d’une ébauche puisqu’il reconnaissait qu’il fallait ajouter à son modèle la convection et les oscillations océaniques. Remarquons aussi pour l’anecdote qu’ Arrhenius considérait que l’effet d’un accroissement de la concentration de CO2 dans l’atmosphère serait entièrement bénéfique.

Il est donc clair qu’on ne peut considérer qu’à la fin du XIXème siècle, l’effet de serre était un phénomène démontré et décrit par des lois parfaitement établies.  Cela bien sûr n’implique pas que aujourd’hui, avec les progrès dans les connaissances du climat, l’EDS ne soit pas correctement décrit. Pour s’en assurer, il faudrait impérativement analyser les équations utilisées dans les logiciels de calcul qui prévoient les augmentations de températures, de niveau des mers etc. liées à l’augmentation de la concentration de CO2 dans l’atmosphère terrestre.

Références

[1] Fourier J. B. J.,  1822 Théorie Analytique de Chaleur. Firmin Didot et BNF Gallica

[2]Fourier J. B. J., 1824Théorie du mouvement de la chaleur dans les corps solides ; Mémoire de l’Académie des Sciences, BNF Gallica.

[3] Arrhenius Svante 1896, On the Influence of Carbonic Acid in the Air upon the Temperature of the Ground, London, Edinburgh, and Dublin Philosophical Magazine and Journal of Science (fifth series), April 1896. vol 41, pages 237–275.

[4] Fourier, J. B. J.,1824, “Remarques Générales Sur Les Températures Du Globe Terrestre Et Des Espaces Planétaires.“, Annales de Chimie et de Physique, Vol. 27, pp. 136–167.

[5] Tyndall J., 1861, On the Absorption and Radiation of Heat by Gases and Vapours, and on the Physical Connexion of Radiation, Absorption, Conduction.-The Bakerian Lecture.“, The London, Edinburgh, and Dublin Philosophical Magazine and Journal of Science, Series 4, Vol. 22, pp. 169-194, 273-285.

[6]T.Casey ;Shattered Greenhouse: How Simple Physics Demolishes the “Greenhouse Effect” et2011, http://tyndall1861.geologist-1011.mobi/ ;

[7] Pouillet, C. S. M., 1838, “Mémoire sur la chaleur solaire, sur les pouvoirs rayonnants et absorbants de l’air atmosphérique, et sur la température de l’espace”, Compte rendu des séances de l’Académie des Sciences, Vol. 7, pp. 24-65.

[8] G.Gerlich, Institut fur MathematischePhysikTechnische Universität, R. D. Tscheuschner, Federal Republic of Germany, Falsification of The Atmospheric CO2 Greenhouse Effects Within The Frame of Physics. (2007).

[9] Jean-Louis Dufresne, « L’effet de serre : sa découverte, son analyse par la méthode des puissances nettes échangées et les effets de ses variations récentes et futures sur le climat terrestre. » Mémoire présenté pour obtenir l’Habilitation à Diriger des Recherches (HDR) soutenu le 26 janvier 2009 à l’Université Pierre et Marie Curie, LMD, Institut Pierre Simon Laplace,CNRS, Université Pierre et Marie Curie, Ecole Polytechnique, Ecole Normale Supérieure


[1]  Traduttore, traditore  : traduire, c’est trahir

[2] Comme le dit Tocqueville : « Il n’y a pas de si grand philosophe dans le monde qui ne croie un million de choses sur la foi d’autrui, et ne suppose beaucoup plus de vérités qu’il n’en établit.»

[3] Comme le son a besoin de l’air pour se transmettre.

[4]  « Fourier a soutenu que l’atmosphère agit comme le verre d’une maison chaude, parce qu’elle laisse passer les rayons lumineux du soleil mais retient les rayons foncés du sol »

[5] Qu’on appelle ainsi parce qu’on constate bien que la chaleur se propager partout (rayonne) sans bien savoir comment puisqu’on ne la voit pas dans l’air pourtant transparent-pas plus que dans les solides mais là il est normal de ne rien voir.

[6]  C’est-à-dire qui laisse passer la chaleur.

[7]chauffée par l’absorption des rayonnements calorifiques telluriques

[8] contraire du GIEC qui on le sait l’attribue à l’effet de serre.

[9] Des expériences faites avec de l’air sec et humide corroborent l’hypothèse, car l’eau transcende tous les autres liquides. Donc la vapeur d’eau est plus puissante que toutes les autres vapeurs comme radiateur et absorbeur

[10] « Il est extrêmement probable que l’absorption des rayons solaires par l’atmosphère, établie par M. Pouillet, est principalement due à la vapeur d’eau contenue dans l’air ».

[11] L’atmosphère doit donc rayonner autant de chaleur dans l’espace qu’elle en reçoit, en partie par l’absorption des rayons du soleil, en partie par la radiation de la surface plus chaude de la terre et par les courants ascendants de l’air chauffé par contact avec le sol. D’autre part, la terre perd tout autant de chaleur par rayonnement dans l’espace et dans l’atmosphère à mesure qu’elle gagne par l’absorption des rayons du soleil. Si l’on considère un lieu donné dans l’atmosphère ou au sol, il faut également prendre en considération les quantités de chaleur qui sont transportées à cet endroit par des courants océaniques ou atmosphériques.


 

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