Article initialement publié par Atlantico
avec Samuel Furfari et Jean-Pierre Favennec
Depuis l’arrêt des flux russes, le GNL des États-Unis et du Qatar est devenu l’oxygène énergétique de l’Europe. Or, la directive CS3D, perçue par Washington et Doha comme une extraterritorialité normative pénalisante, tend le jeu : entre objectifs climatiques, sécurité d’approvisionnement et coût de l’énergie, l’UE se voit sommée d’arbitrer, quitte à assouplir ses exigences, pour éviter un choc de compétitivité et préserver sa souveraineté énergétique.
Jean-Pierre Favennec : Depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie, les exportations de gaz russes vers l’Europe ont été pour l’essentiel arrêtées par la Russie. Elles représentaient 40 % de l’approvisionnement en gaz de l’Europe. Ce gaz a été remplacé principalement par du gaz de Norvège et d’Algérie, mais aussi, dans une moindre mesure, par du gaz du Qatar et surtout par du gaz venant des États-Unis.
Les conditions imposées par la Commission européenne et les États européens pour l’importation de gaz, notamment en matière de durabilité, ne conviennent pas du tout aux vendeurs américains ou qataris.
Il y a quelques années, les contrats de vente de gaz conclus par un pays comme l’Algérie comportaient des clauses dites de « destination ». Les pays producteurs refusent en général que le gaz qu’ils exportent vers un pays soit ensuite revendu à un autre. Or, l’Union européenne, pour des raisons liées à la concurrence, au marché et à la flexibilité des opérations, souhaitait que tout gaz importé en Europe puisse être revendu. Cela n’était pas du tout du goût de pays producteurs comme l’Algérie.
Samuel Furfari : L’Union européenne, ne voulant plus importer de gaz de Russie, est obligée de se tourner vers d’autres producteurs. Il est clair que les principaux producteurs suffisamment proches de l’Europe sont le Qatar et les États-Unis. C’est la raison pour laquelle le gaz russe a pratiquement été remplacé par une importante quantité de gaz qatari et de gaz de schiste américain.
Et cette tendance ne va pas diminuer. La consommation de gaz va continuer à augmenter. Les différents pays en ont besoin pour espérer réindustrialiser l’Europe. Les États-Unis et le Qatar sont prêts à nous vendre ce gaz.
Mais l’Union européenne, dans sa grande sagesse, a introduit des directives très dangereuses pour elle-même et pour les pays tiers. Elle a adopté la directive CS3D (Corporate Sustainability Due Diligence ou Directive sur le devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité).
Cette directive connue sous l’acronyme CS3D, crée une obligation juridique et de moyens : non seulement les entreprises doivent faire du reporting sur leurs activités, mais elles doivent aussi identifier, prévenir, atténuer et rendre compte des atteintes aux droits humains, sociaux ou environnementaux sur l’ensemble de leur chaîne de valeur.
Cette directive s’applique notamment aux entreprises ayant un chiffre d’affaires supérieur à 450 millions d’euros. Ce devoir s’étend non seulement aux entreprises européennes mais aussi à leurs filiales à l’étranger, ainsi qu’à tous leurs sous-traitants et fournisseurs hors de l’Union européenne. Le Qatar et les États-Unis sont donc soumis à cette directive européenne. Ils doivent identifier, prévenir, atténuer et rendre compte des atteintes aux droits humains, sociaux et environnementaux.
Tous ceux qui veulent faire des affaires avec l’Europe doivent respecter cette directive. Cela correspond à une forme de droit d’ingérence dans les pays tiers. L’Union européenne s’arroge ainsi une compétence universelle. Avec cette directive, l’UE espère obliger tous les acteurs à se conformer à ses exigences, sous peine d’amendes.
C’est évidemment impossible à appliquer. Ce qui me surprend, c’est que cela ait pu être adopté en 2022. Comment est-il possible qu’à l’époque le Parlement, les chefs d’État et Emmanuel Macron aient accepté une telle législation ?
La directive européenne sur la durabilité du gaz naturel liquéfié provoque la colère de Doha et de Washington. Les États-Unis et le Qatar accusent l’Europe d’imposer ses normes écologiques au reste du monde et souhaitent que la directive soit retirée. Cette critique est-elle fondée ? Est-ce là le cœur du bras de fer entre ces trois acteurs ?
Samuel Furfari : Pendant plusieurs années, personne n’osait critiquer le Pacte vert. À partir de 2019, c’était un véritable suicide politique ou médiatique de dire le moindre mot contre ce pacte. Personne n’a donc osé élever la voix, et surtout pas l’industrie.L’industrie était d’accord avec tout cela. Elle n’a rien dit, elle a accepté, elle a baissé la tête. Tout cela a eu une répercussion catastrophique sur l’économie.
Cela a été évoqué par le rapport Draghi de septembre 2024. Ce rapport explique qu’il n’est plus possible de continuer ainsi. Mais ce rapport date d’il y a un peu plus d’un an. Qu’a-t-on fait depuis pour corriger ces aberrations ? Rien. La Commission traîne des pieds, alors que certains États ont clairement indiqué que cela ne pouvait pas continuer ainsi, qu’il fallait revoir la directive.
En principe, une directive omnibus devait être adoptée par la Commission pour revoir, adoucir, limiter et simplifier ces directives. Mais il n’y a eu aucune avancée significative. Cette lettre des États-Unis et du Qatar a été très virulente. La lettre est quand même choquante pour un Européen. Au cœur de ce courriel, ils écrivent qu’il est urgent que l’Union européenne fasse le nécessaire pour changer cette directive car ils aiment bien faire du commerce avec nous mais ils ne peuvent pas tolérer que les pays européens continuent ainsi.
Ils ajoutent d’ailleurs que cette politique est mauvaise pour notre propre industrie. Cette lettre est très moralisatrice. Mais ils ont raison, car cette directive n’aurait jamais dû être adoptée. Il est délicat de prétendre régenter le monde en tant qu’Européens. Ce n’est pas notre rôle. Et si nous voulons réellement appliquer cette directive, plus personne ne fera du commerce avec nous. Nous détruisons ainsi toute notre économie.
Les États-Unis et le Qatar, fournisseurs majeurs de gaz naturel liquéfié, ont mis en garde contre les effets économiques et énergétiques des réglementations européennes jugées excessives. Dans une lettre conjointe adressée à l’Union européenne, les États-Unis et le Qatar ont exprimé leur « profonde préoccupation » face à la directive européenne sur le devoir de vigilance des entreprises (CS3D ou CSDDD), estimant qu’elle menace la compétitivité industrielle et la sécurité énergétique du continent. Pourquoi ce bras de fer autour du GNL entre l’Europe, le Qatar et les États-Unis est-il aujourd’hui si stratégique ?
Jean-Pierre Favennec : Depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie, les exportations de gaz russe se sont arrêtées. Elles représentaient 40 % de l’approvisionnement en gaz de la France et de l’Europe. Ce gaz a été remplacé principalement par du gaz de Norvège et d’Algérie, mais aussi, dans une moindre mesure, par du gaz du Qatar et surtout par du gaz venant des États-Unis.
Les conditions imposées par la Commission européenne et les États européens pour l’importation de gaz, notamment en matière de durabilité, ne conviennent pas du tout aux vendeurs américains ou qataris.
Il y a quelques années, les contrats de vente de gaz conclus par un pays comme l’Algérie comportaient des clauses dites de « destination ». Les pays producteurs refusent en général que le gaz qu’ils exportent vers un pays soit ensuite revendu à un autre. Or, l’Union européenne, pour des raisons liées à la concurrence, au marché et à la flexibilité des opérations, souhaitait que tout gaz importé en Europe puisse être revendu. Cela n’était pas du tout du goût de pays producteurs comme l’Algérie.
Depuis la guerre en Ukraine, le GNL est devenu essentiel pour l’Europe. Quelle place occupent aujourd’hui le Qatar et les États-Unis dans l’approvisionnement énergétique européen ?
Jean-Pierre Favennec : Les importations de pétrole depuis la Russie sont soumises à un embargo, sauf pour la Hongrie, qui est alimentée par un oléoduc en raison de sa position géographique. Les autres pays européens n’importent plus de pétrole russe.
En revanche, pour le gaz, la situation a évolué différemment. A partir de 2022, les Russes ont progressivement cessé d’envoyer du gaz vers l’Europe. Il y a eu le sabotage des gazoducs Nord Stream. Malgré cela, certaines importations de gaz russe subsistaient encore, notamment via des gazoducs traversant la Turquie, ainsi que sous forme de GNL provenant du nord de la Sibérie, où se trouve une usine de liquéfaction. Ces importations de GNL russe, représentant plusieurs millions de tonnes par an, viennent d’être interdites.
Le gaz reste une source importante d’énergie pour l’Europe. Il existe encore une production européenne, mais elle ne représente que 20% des besoins. Les principales sources actuelles sont la Norvège, qui exporte des quantités considérables, l’Algérie, dans une moindre mesure, et surtout les États-Unis, qui montent très rapidement en puissance.
Les États-Unis produisent d’importantes quantités de gaz naturel liquéfié et en exportent massivement vers l’Europe. D’ailleurs, l’accord de juillet 2025 entre Donald Trump et Ursula Von der Leyen stipule que l’Europe devrait importer pour 250 milliards d’énergie chaque année pendant trois ans. Chiffre très au dessus de ce qui est faisable. Mais de toute façon, l’Europe a aujourd’hui absolument besoin du gaz naturel liquéfié américain.
L’Europe tente de concilier ses objectifs climatiques avec la nécessité d’assurer sa sécurité énergétique. Ce projet sera-t-il possible ou l’UE devra-t-elle faire des compromis face à la pression américaine et qatarie ?
Jean-Pierre Favennec : L’Europe ne peut pas se permettre de se priver de gaz. Les importations en provenance du Qatar ne sont pas extrêmement importantes, mais les exportations de gaz des États-Unis, elles, le sont. Les Etats-Unis sont aujourd’hui, après la Norvège, les principaux fournisseurs de gaz de l’Europe. Il est donc hors de question pour l’Europe de se passer du gaz américain. Ce serait impossible. Sinon, les pays européens retomberaient dans une situation semblable à celle de 2022, lorsque les exportations et importations de gaz depuis la Russie se sont arrêtées assez rapidement. À l’époque, l’Europe avait eu la « chance » de voir le GNL américain se développer très vite et venir en remplacement. Aujourd’hui, il n’y a pas d’alternative. Si l’Europe n’importe plus le gaz des États-Unis, il n’y a aucune autre solution de substitution.
Le Qatar a menacé de rediriger ses exportations vers l’Asie. Cette menace est-elle crédible, ou s’agit-il d’un moyen de négociation ?
Samuel Furfari : Quand on connaît la géopolitique de l’énergie, on sait que c’est une menace sans réelle valeur. Le pétrole et le gaz du Moyen-Orient coulent naturellement vers l’Est. Le temps où le Moyen-Orient était le fournisseur principal de pétrole et de gaz à la fois pour les États-Unis et pour l’Union européenne est révolu : cela remonte aux années 1970-1980.
Depuis lors, la montée en puissance des pays asiatiques fait que le véritable commerce de pétrole et de gaz du Qatar – comme de tous les autres pays du Golfe, y compris l’Arabie saoudite – se fait désormais avec les pays asiatiques, au premier rang desquels la Chine et l’Inde, mais aussi la Malaisie, le Vietnam, etc.
Le Qatar commerce déjà avec l’Asie. Ce n’est pas un problème. En revanche, les besoins en gaz de l’Union européenne étant considérables, le Qatar n’a pas intérêt à laisser les États-Unis seuls sur ce marché. C’est la raison pour laquelle le Qatar s’est joint aux États-Unis pour dénoncer cette situation et pour dire qu’il faut arrêter cette folie et renoncer à cette directive.
Jean-Pierre Favennec : L’Europe a absolument besoin du gaz américain et, dans une moindre mesure, de celui du Qatar. Il existe aujourd’hui trois grands exportateurs mondiaux de GNL : le Qatar, les Etats-Unis et l’Australie.
Aux États-Unis, les capacités de production augmentent très rapidement et continueront probablement de croître, d’autant plus avec le mandat de Donald Trump. L’Australie, elle, semble avoir atteint une certaine stabilité de ses exportations. Le Qatar, en revanche, est en train d’accroître considérablement ses capacités, passant d’environ 80 à 120 ou 130 millions de tonnes de GNL exportées. Le Qatar dispose donc de volumes très importants de gaz à vendre.
Dans les prochaines années, le marché pourrait même devenir un peu surabondant. C’est pourquoi je serais prudent. Le Qatar ne peut sans doute pas se permettre de perdre complètement ses acheteurs européens, même si l’essentiel de ses exportations de GNL est destiné à l’Asie. Le marché asiatique n’est pas extensible à l’infini.
Cette crise entre ces trois acteurs révèle-t-elle une faiblesse structurelle de la souveraineté énergétique européenne ?
Jean-Pierre Favennec : C’est évident. En comparant avec les États-Unis, la différence est frappante. Il y a vingt ans, les États-Unis importaient massivement du pétrole : environ 15 millions de barils par jour sur les 20 millions qu’ils consommaient.
Aujourd’hui, ils sont devenus exportateurs nets, non seulement de pétrole, mais aussi de gaz. Il y a encore vingt ans, ils pensaient devoir importer massivement du gaz à court terme. Ils ont donc construit des terminaux d’importation qui n’ont finalement jamais été utilisés, car la révolution du gaz de schiste leur a permis de produire énormément.
Les États-Unis disposent aujourd’hui d’un marché intérieur considérable et de capacités d’exportation vers l’Europe. Sans parler du charbon, surabondant. C’est un pays qui possède de l’énergie sous toutes ses formes.
Le Qatar, bien sûr, est également un grand pays producteur d’énergie. Le Qatar, en tant que tel, reste un petit pays. À l’inverse, l’Europe est un ensemble de pays où il n’y a pratiquement plus de ressources énergétiques : peu ou pas de pétrole, quasiment plus de gaz. Il reste un peu de charbon, mais personne ne souhaite l’utiliser.
Quant aux énergies renouvelables, elles sont positives et porteuses d’espoir, mais elles ne remplaceront pas les énergies fossiles rapidement, ni même totalement à long terme.
Pour le nucléaire, la situation est contrastée. La France souhaite poursuivre son développement, tandis que l’Allemagne y est opposée, malgré une situation énergétique difficile, car elle avait beaucoup misé sur les importations de gaz russe. Cela pouvait se comprendre dans une logique géostratégique où, à terme, la Russie pourrait être réintégrée dans le jeu européen. Malheureusement, cela ne s’est pas produit.
L’Allemagne a d’ailleurs fermé ses trois dernières centrales nucléaires quasiment au moment de l’invasion de l’Ukraine par la Russie.
La situation est donc très différente entre, d’un côté, un pays comme les États-Unis, qui dispose d’une énergie extrêmement abondante, et, de l’autre, l’Europe.
Autant le pétrole se transporte facilement – ce qui fait que son prix est à peu près le même partout dans le monde -, autant le gaz, qui reste un combustible très important, pose un autre problème. Pour donner un ordre d’idée, si le gaz coûte 3 aux États-Unis, il coûte 10 en Europe. Il y a donc bien un handicap. Cette différence se répercute sur le prix de l’électricité : aux États-Unis, elle est produite à partir de gaz et de charbon très bon marché. En Europe, elle l’est à partir du nucléaire, dont le coût reste élevé même si les centrales françaises sont amorties, ainsi qu’à partir des énergies renouvelables et du gaz.
Lorsque la crise en Ukraine a éclaté, cela a provoqué une augmentation phénoménale du prix du gaz, entraînant une hausse du prix de l’électricité, car le prix marginal de l’électricité – celui qui fixe le prix du marché – est déterminé par le coût du gaz.
Jean-Pierre Favennec : C’est évident. En comparant avec les États-Unis, la différence est frappante. Il y a vingt ans, les États-Unis importaient massivement du pétrole : environ 15 millions de barils par jour sur les 20 millions qu’ils consommaient.
Aujourd’hui, ils sont devenus exportateurs nets, non seulement de pétrole, mais aussi de gaz. Il y a encore vingt ans, ils pensaient devoir importer massivement du gaz à court terme. Ils ont donc construit des terminaux d’importation qui n’ont finalement jamais été utilisés, car la révolution du gaz de schiste leur a permis de produire énormément.
Les États-Unis disposent aujourd’hui d’un marché intérieur considérable et de capacités d’exportation vers l’Europe. Sans parler du charbon, surabondant. C’est un pays qui possède de l’énergie sous toutes ses formes.
Le Qatar, bien sûr, est également un grand pays producteur d’énergie. Le Qatar, en tant que tel, reste un petit pays. À l’inverse, l’Europe est un ensemble de pays où il n’y a
pratiquement plus de ressources énergétiques : peu ou pas de pétrole, quasiment plus de gaz. Il reste un peu de charbon, mais personne ne souhaite l’utiliser.
Quant aux énergies renouvelables, elles sont positives et porteuses d’espoir, mais elles ne remplaceront pas les énergies fossiles rapidement, ni même totalement à long terme.
Pour le nucléaire, la situation est contrastée. La France souhaite poursuivre son développement, tandis que l’Allemagne y est opposée, malgré une situation énergétique difficile, car elle avait beaucoup misé sur les importations de gaz russe. Cela pouvait se comprendre dans une logique géostratégique où, à terme, la Russie pourrait être réintégrée dans le jeu européen. Malheureusement, cela ne s’est pas produit.
L’Allemagne a d’ailleurs fermé ses trois dernières centrales nucléaires quasiment au moment de l’invasion de l’Ukraine par la Russie.
La situation est donc très différente entre, d’un côté, un pays comme les États-Unis, qui dispose d’une énergie extrêmement abondante, et, de l’autre, l’Europe.
Autant le pétrole se transporte facilement – ce qui fait que son prix est à peu près le même partout dans le monde -, autant le gaz, qui reste un combustible très important, pose un autre problème. Pour donner un ordre d’idée, si le gaz coûte 3 aux États-Unis, il coûte 10 en Europe. Il y a donc bien un handicap. Cette différence se répercute sur le prix de l’électricité : aux États-Unis, elle est produite à partir de gaz et de charbon très bon marché. En Europe, elle l’est à partir du nucléaire, dont le coût reste élevé même si les centrales françaises sont amorties, ainsi qu’à partir des énergies renouvelables et du gaz.
Lorsque la crise en Ukraine a éclaté, cela a provoqué une augmentation phénoménale du prix du gaz, entraînant une hausse du prix de l’électricité, car le prix marginal de l’électricité – celui qui fixe le prix du marché – est déterminé par le coût du gaz.
Qui, selon vous, sortira gagnant de ce bras de fer : l’Europe avec sa politique verte, ou les fournisseurs de GNL avec leur poids économique et diplomatique ? L’Europe devra-t-elle faire des compromis face au Qatar et aux Etats-Unis ?
Samuel Furfari : Il y a eu une grosse nouveauté. Il y a quelques jours, dix-neuf chefs d’État et de gouvernement ont écrit à M. Costa, le président du Conseil, en adressant une copie au Parlement européen et à Ursula von der Leyen.
Dix-neuf Etats membres ont déclaré qu’il fallait arrêter la politique qui était menée, avec un langage ferme. C’est la première fois qu’il y a un tel tollé, une telle unanimité, où des pays demandent clairement à l’Union européenne de revoir sa copie et de changer tout cela, conformément à ce que le rapport Draghi recommandait.
Il y a d’ailleurs une phrase marquante dans cette lettre : « Nous espérons, en particulier, une adoption rapide et immédiate de la simplification de la directive CS3D, et une modernisation de l’Union européenne. » C’est, écrivent-ils, la responsabilité de toutes les institutions. Ils expliquent qu’il n’est pas possible de continuer ainsi à détruire notre économie.
Il est d’ailleurs régulièrement question, dans cette lettre, du marché européen, qui est en train d’être fragilisé. Les chefs d’État demandent à la Commission européenne d’agir avec urgence pour mettre fin à cette situation et pour réaliser un audit complet de toutes les directives qui pénalisent l’économie et créent de la bureaucratie. C’est une véritable révolution.
Jean-Pierre Favennec : L’Europe a absolument besoin de ce gaz. Même si la Commission européenne se veut ouverte et que les mouvements écologistes exercent des pressions, le besoin de gaz demeure. Il est clair que les pays européens ne peuvent pas se passer du gaz américain.
Le gaz qatari pourrait éventuellement être remplacé par d’autres sources, mais le problème de fond reste le même. L’Europe devra faire des concessions ou, du moins, trouver des formes de négociation.
Au mois de juillet, lors d’une négociation, Donald Trump avait déjà exigé que l’Europe importe des quantités massives de produits énergétiques américains, en contrepartie d’un maintien de droits de douane raisonnables. Les volumes demandés dépassaient largement les importations actuelles de l’Europe depuis les États-Unis.
Actuellement, l’Europe importe déjà du gaz et du pétrole américains pour plusieurs dizaines de milliards de dollars, mais les quantités évoquées par Donald Trump représenteraient une facture encore bien plus élevée pour les pays européens.
Samuel Furfari est professeur en géopolitique de l’énergie depuis 20 ans, docteur en Sciences appliquées (ULB), ingénieur polytechnicien (ULB). Il a été durant trente-six ans haut fonctionnaire à la Direction générale de l’énergie de la Commission européenne. Auteur de 18 livres.
Jean-Pierre Favennec est un spécialiste de l’énergie et en particulier du pétrole et professeur à l’Ecole du Pétrole et des Moteurs, où il a dirigé le Centre Economie et Gestion. Il a publié plusieurs ouvrages et de nombreux articles sur des sujets touchant à l’économie et à la géopolitique de l’énergie et en particulier Exploitation et Gestion du Raffinage (français et anglais), Recherche et Production du Pétrole et du Gaz (français et anglais en 2011), l’Energie à Quel Prix ? (2006) et Géopolitique de l’Energie (français 2009, anglais 2011).

Les Américains nous emm… depuis la fin du XIXème siècle. Quand on pense qu’à l’orée de la Grande guerre , l’Angleterre et la France, et pour cette dernière, malgré la raclée de Sedan , étaient les principales bailleuses de fonds du monde ! Le mythe de l’amitié franco-américaine a encore de beaux jours devant lui…bâti à coups de chansons « sardouziennes», de westerns, de chewing-gum, et de commémorations du débarquement de juin 1944, auxquelles il convient de noter que le Général De Gaulle n’a jamais pris part, il empêche de garder à l’esprit que seul le business gouverne ce pays. La guerre russo-ukrainienne est le parfait exemple de la pétaudière créée en Europe par les États-Unis dans le seul but d’exploiter commercialement les divisions des états européens, lesquels ont, et c’est bien normal au regard de leurs histoires respectives, des intérêts géopolitiques différents quand ils ne sont pas divergents. Les cabris du Général n’en finissent pas de sauter…stupides ou stipendiés ?
Il y a beaucoup de répétitions et l’article pourrait être bien plus court tout en restant clair et complet. Quelques axes forts en résumé:
– La CS3D est une ânerie extrêmement dangereuse pour l’économie européenne,
– Les états européens commencent à comprendre que la commission est dans le délire et ruent dans les brancarts
– L’Europe doit diversifier et sécuriser ses approvisionnements en gaz naturel,
– Les ENR ne sont en aucun cas une solution globale, tout juste un complément à la marge,
– Le nucléaire n’est pas abordé
On n’est pas sorti de l’auberge!
Règles d’Extra territorialité, ce qui vaut pour le dollar ne serait pas bon pour les tenants du délire climatique?
En réalité, il faudrait que les pouvoirs régionaux (US, UE, Chine, Russie, Brésil, …)
ne soient plus autorisés à exporter leur législation sous prétexte de contrôler l’utilisation de leur monnaie ou de leurs matières premières pour des raisons quelconques.
A partir du moment où ces pays ou ces blocs vendent leurs produits/monnaies, ils doivent accepter que les acheteurs en fassent ce qu’ils veulent (principe de base du transfert de propriété). Toute autre attitude s’apparente à du colonialisme.