L’éolien, une catastrophe silencieuse, par Jean-Louis Butré

La France compte déjà plus de 6500 éoliennes et il est prévu d’en installer au moins 20 000 dans les prochaines années. Par delà le scandale économique et démocratique, on découvre dans cet essai que la France est en passe de subir un véritable massacre de ses paysages sans le plus petit avantage pour l’intérêt général.

Jean-Louis Butré est ingénieur. Après avoir aidé à la création de plusieurs associations dans la Vienne et les départements limitrophes, il a a créé la FED (Fédération Environnement Durable) pour fédérer toutes les forces qui luttent contre l’éolien. Son livre « L’éolien, une catastrophe silencieuse, vers un France défigurée » (Editions du Toucan) comporte un avant-propos de Valéry Giscard d’Estaing et une préface de Claude Allègre.

(Les titres et les références de bas de page ont été ajoutés par l’auteur de ce résumé)

Vingt mille éoliennes en 2030 pour produire moins de 15% de notre électricité

En 2015 les 6 500 éoliennes en service ont fourni moins de 3,9 % de l’électricité de la France. Pour atteindre l’objectif de fixé par la loi de transition énergétique[1], il faudrait 20 000 éoliennes terrestres [2] de 2 à 3 Mégawatts pour produire moins de 15% de notre électricité. Cela nécessitera un investissement de 42 milliards d’euros, auquel il faudra rajouter 40 milliards pour le renforcement du réseau et la construction de plusieurs dizaines de centrales thermiques (gaz ou charbon) pour assurer la régularité de l’approvisionnement en énergie.

Le prix de l’intermittence

Pour assurer à tout instant l’équilibre offre-demande le réseau doit disposer de réserves de production rapidement mobilisables. Il peut s’agir des barrages hydrauliques (notamment en hiver), mais le plus souvent ce sont des centrales thermiques fortement émettrices de COet des turbines à gaz qui sont mobilisées. D’autre part il faudra construire un réseau électrique gigantesque pour raccorder les millions de nouveaux producteurs. Les investissements annoncés sont colossaux : le rapport Derdevet [3] (février 2015) les évalue dans les dix prochaines années (au niveau européen) à 500 milliards d’euros pour la distribution et 200 milliards pour le transport.

L’Eolien en mer, ruineux et problématiques pour la bio diversité

Aucun parc éolien offshore n’est actuellement en service en France, mais huit parcs dits « posés » (avec des fondations sous marines) sont à ce jour en projet : Le Tréport, Fécamp,  Courseulles, St Brieuc, Groix, La Baule, Yeu-Noirmoutier et Oléron. Les pêcheurs n’en veulent pas : ils évoquent les impacts environnementaux, notamment la détérioration des fonds marins, ou encore l’impact sur la faune et les effets des champs magnétiques sur les poissons. Pour éviter la condamnation de zones de pêche et le massacre de sites des associations se sont créées : le collectif Pulse (Pour Un Littoral Sans Eolienne) animé par Catherine Boutin, vice-présidente de la FED, l’association Robin des Bois (lire leur communiqué de presse [4] du 17 janvier 2013).

Un système basé sur les subventions répercutées sur la facture d’électricité du consommateur

Un arrêté du 8 juin 2001, communément appelé « arrêté Cochet  » fixe le prix auquel EDF est obligé de racheter l’électricité éolienne [5] au prix de 8,2 € le kilowatt-heure. Ce surcoût est ensuite répercuté sur le consommateur via la « Contribution au Service Public de l’Electricité » (CSPE). Quant à l’électricité offshore [6], EDF devra l’acheter à plus de 22 centimes d’euro le kilowatt-heure alors que sur le prix de l’électricité se négocie en dessous de 3 centimes d’euro le kilowatt-heure. Proportionnelle au nombre de kilowatt-heure consommés, la CSPE [7] représente environ 100 euros par Français et par an.

La transition énergétique Allemande, l’exemple à ne pas suivre

Malgré le plus gigantesque parc éolien industriel européen, le vent ne produit que 13% de l’électricité allemande (dont 1% est issu d’éoliennes offshore). La transition énergétique allemande [8] a donné naissance à une énorme prolifération d’éoliennes et de panneaux solaires, de lignes électriques à haute tension, de pylônes et de transformateurs électriques. Ce fiasco  a été analysé par le Wall Street Journal [9] selon qui l’Allemagne a dépensé depuis l’an 2000 deux-cents milliards d’Euros pour « verdir » son industrie de l’énergie. Il faut savoir aussi que 50 % de l’électricité allemande est produite avec de la lignite (24%) du charbon (18%) et du gaz (8%).

EDF conduit à la faillite

La situation économique d’EDF [10] est fortement dégradée : des fonds propres inférieurs à 20 milliards d’euros, une action en forte baisse (- 66 % depuis 2014), un endettement qui s’est envolé (40 milliards, soit plus de la moitié de son chiffre d’affaire), des retraites non provisionnées évaluées à plus de 60 milliards d’euros, une fusion périlleuse en cours avec Areva qui totalise de son côté 4,8 milliards de pertes. Ces difficultés se sont traduites par la sortie d’EDF du CAC 40 fin 2015, la démission de son directeur financier début 2016, l’abaissement de la note du groupe par l’agence Standard & Poor’s et son déclassement par l’agence Moody’s. Un déclin confirmé par l’annonce au début de l’année 2017 de plusieurs milliers de suppressions de postes à venir. Suprême incohérence, EDF est d’autre part tenue suivant la loi NOME [11] de vendre jusqu’à 25% de sa production à ses concurrents au tarif  Arenh  (Accès Régulé à l’Electricité Nucléaire Historique) de 0,42 € le kilowatt-heure.

Douze schémas régionaux « Climat Air Énergie annulés » par la justice

Il n’existe pas de plan français national d’implantation des éoliennes, mais des « schémas régionaux du climat de l’air et de l’énergie » (SRCAE). La quasi-totalité du territoire français se trouve ainsi éligible à l’éolien (en dépit du refus de communes, de la fragilité des territoires ruraux et de leur économie touristique). Grâce aux recours déposés avec la participation de la Fédération Environnement Durable, douze de ces schémas régionaux ont été annulés par la justice [12]. Ces sanctions ont toutes été prononcées pour défaut d’évaluation environnementale réalisée préalablement à leur approbation.

L’éolien, un « business » douteux

Depuis plus de dix ans des promoteurs écument la France à la recherche de parcelles de terrain pour y édifier des éoliennes. Les propriétaire n’est pas toujours informé des risques encourus : il signe un bail emphytéotique de 20 ans ou plus, lequel est cessible et nantissable, de sorte que s’il souhaite le récupérer il devra rembourser les dettes du promoteur, tout en restant responsable des nuisances dues au pylône qui ne fonctionne plus. D’autre part, de nombreuses plaintes pour prises illégales d’intérêts par des élus locaux seraient en cours d’examen [13] par la justice.

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[1] Décret no 2016-1442 du 27 octobre 2016 relatif à la programmation pluriannuelle de l’énergie prévoit pour l’éolien terrestre : 15 GW d’ici à fin 2018 et entre 21,8 GW (option basse) et 26 GW d’ici à fin 2023 contre 10,3 GW à fin 2015. Ce sont 1,5 GW qui doivent être raccordés chaque année à partir de 2016.

[2] Jean-Louis Bal, le président du Syndicat des énergies renouvelables (SER), cet objectif implique l’installation sur notre territoire de 14 300 éoliennes terrestres et 2 200 éoliennes en mer contre 6 500 aujourd’hui. Cela représente 62 gigawatts au total, soit 5,7 fois plus que la puissance installée en 2016. (http://www.novethic.fr/actualite/energie/energies-renouvelables/isr-rse/le-chiffre-il-faudra-16-500-eoliennes-pour-atteindre-50-de-nucleaire-en-2030-145015.html)

[3] Le rapport Derdevet dénonce le manque de coordination européenne sur l’énergie (https://www.euractiv.fr/section/energie/news/le-rapport-derdevet-denonce-le-manque-de-coordination-europeenne-sur-l-energie/)

[4] Communiqué de Robin des Bois, 17 Janvier 2013 Après l’étalement urbain, voici l’étalement marin. Les éoliennes offshore exposent la sécurité maritime, les oiseaux, les mammifères marins et les ressources halieutiques à des risques multiples et simultanés, avant la construction (dépollution pyrotechnique), pendant la construction, pendant l’exploitation et en post-exploitation. Les bruits peuvent provoquer des lésions des systèmes auditifs et font fuir les mammifères marins et les poissons. Les pales et les lumières tuent des oiseaux ou des chauve-souris. Avec la construction et le redoublement des parcs éoliens offshore de grande dimension, les effets cumulatifs et transfrontaliers sur la faune marine et aviaire sont redoutés. Les contraintes et les garanties financières de démantèlement restent floues. http://www.robindesbois.org/apres-letalement-urbain-voici-letalement-marin/

[5] Le tarif garanti devrait être remplacé par l’obligation pour les opérateurs éoliens de vendre l’électricité produite sur le marché, l’opérateur éolien recevra ensuite pendant 20 ans une prime pour la différence entre le prix moyen des ventes et un « tarif de référence ».

http://ventdecolere.org/actualites/systeme-economique-eolien-france-2017.pdf

[6] En mai 2012, la Commission de régulation de l’énergie (CRE) a chiffré à 1,1 milliard d’euros par an à compter de 2020 le surcoût qu’entraînera pour les consommateurs l’installation progressive des 1928 MW de parcs éoliens offshore retenus dans les résultats de l’appel d’offre de 2011, ce qui revient à une augmentation moyenne de 25€ de la facture des consommateurs. (http://controverses.mines-paristech.fr/public/promo13/promo13_G1/www.controverses-minesparistech-1.fr/_groupe1/index9d10.html?page_id=573 )

[7] fixé à 3 €/MWh en 2002, la CSPE s’élève à 22,5€/MWh au 1er janvier 2016. Les taxes sur l’électricité représentent environ un tiers de la facture d’électricité des Français  (https://www.fournisseurs-electricite.com/cspe). Au premier janvier 2016, la CSPE a été remplacée par la « Taxe Intérieure sur la Consommation Finale d’Electricité » (TICFE). Il ne s’agit plus d’une contribution mais d’une taxe qui abonde le budget de l’État

[8] Voir l’article de JL Butré : La transition énergétique allemande, une colossale erreur http://ventsetterritoires.blogspot.fr/2017/03/la-transition-energetique-allemande-une.html

[9] https://www.wsj.com/articles/winded-in-germany-1460589766

[10] lire l’article de Jean-Louis Butré : Eoliennes, le suicide de l’EDF (http://www.citoyens-et-francais.fr/2017/12/entretien-jean-louis-butre-eoliennes-le-suicide-d-edf.html)

[11] la loi NOME (nouvelle organisation du marché de l’électricité) entrée en vigueur à l’été 2011 qui permet aux concurrents de l’opérateur historique de lui acheter de l’électricité à un prix jugé attractif

[12] http://www.puissance2d.fr/Enbref-douzieme-schema-regional-climat-air-energie-annule-par-la-justice,6573

[13] D’après  Capital.fr sept condamnations d’élus sont tombées depuis juin 2013 pour prise illégale d’intérêt et recel de prise illégale d’intérêt concernant des installations d’éoliennes. https://www.capital.fr/economie-politique/scandale-des-eoliennes-les-condamnations-d-elus-pour-prise-illegale-d-interets-s-empilent-1038489

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